mercredi 14 janvier 2015

Mon monde à moi est coloré par...

Cette nuit pendant que je cherchais sommeil,  j'ai repensé à mon travail. Une rencontre fortuite la veille, quoique rien n'arrive pas hasard, m'invita à une réflexion, qui au gré de mes rencontres du jour l'étoffe.

Je suis allée rendre une visite à une personne hospitalisée que j'accompagne, elle est malade alcoolique. Elle se suicide à petit feu... 

Alors que j'attendais son retour dans sa chambre (absente pour des examens), j'ai attendu dans le couloir. Quand je croise mon ancienne équipe du SMUR, des personnes avec qui j'ai travaillé pendant 10 ans. Nous avons eu plaisir à nous revoir, et j'ai souri quand la copine me dit que je n'ai pas changé, ce qui est rassurant physiquement, puisque dans quelques jours marquent une année de plus dans mon calendrier. Bien que je sais moi au fin fond de mon cœur que je ne suis plus la même personne qu'à cette époque. Si la graine de ma puissance intérieure était là en hibernation et attendait le bon moment pour éclore. Et je suis persuadée que c'est grâce aux rencontres, notamment avec le public que j'accompagne que j'ai évolué. 

Pendant 10 ans, j'ai eu bonheur à travailler en réanimation, à chaque instant. Je me souviens de la plupart des visages, certains noms, des contextes de vie, des histoires pas banales. Je suis toujours aussi surprise quand des familles m’interpellent pour me dire merci encore aujourd'hui alors que leurs proches soignés à l'époque sont décédés depuis. J'étais animée d'une force, stimulée par l'adrénaline, c'était souvent le remake de la série Urgences, sans mentir, c'était intense. Je faisais partie des sauveurs, grâce à moi et à mon équipe, nous maintenons la personne en vie, l'urgence était vitale. J'ai reçu beaucoup de leçons de vie qui me guident encore. Comme de profiter au maximum de l'instant présent. J'ai encore le souvenir de personnes justes nommées en retraite qui réalisaient qu'elles ne l'avaient jamais fait et me conseiller de le faire, et souvent après ces mots délivrés, décédaient d'un arrêt cardiaque et ce malgré nos tentatives de réanimer. J'ai entendu un nombre incalculable de regrets de personnes qui ont atteints à leur vie. J'ai appris que la vie est précieuse et se mérite. 

J'ai quitté depuis la réa, pour diverses raisons, une vie de couple compliquée par le travail en poste respectif,un enfant qui avait besoin de stabilité, une envie de découvrir un ailleurs, la trouille au ventre de ne pas pouvoir m'éclater comme je le faisais en réa. 

J'ai découvert une autre facette du métier d'infirmière. En prévention. Moi la sauveuse, j'ai du faire mon deuil pour redonner le pouvoir à la personne que j'accompagnais. Ça rend très modeste. Accepter son rythme, comprendre ses freins, ses motivations, l'aider à mettre en lumière son potentiel pour avancer avec plus de sérénité. Accepter que ce soit le choix de la personne de changer quand elle se sent prête même si elle sait ce qu'elle fait la rend malade. Accepter que la personne veuille rester victime de sa situation car ça lui fait trop peur de changer, c'est sa zone de confort par excellence. Accepter parfois d'accompagner la personne jusqu'au deuil quand la prévention arrive trop tard. C'est un travail long, fastidieux, on avance d'un pas pour en reculer de dix, accepter ces moments là pour ne pas se décourager. 

J'ai redécouvert le concept de la santé écrit par l'OMS "la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité". J'ai beaucoup appris au contact des personnes que j'accompagne.

Beaucoup sont victimes de leur histoire, ne s'accordant pas le droit au bonheur, victime de leur blessure émotionnelle qui laisse comme une empreinte, souvent colmatée par des addictions, ou des comportements addictifs (avec ou sans produit). Redonner le pouvoir à la personne de comprendre ça, de mettre des mots sur des maux pour qu'elle accepte de se faire soigner. Pour passer d'un état de victime pour gai-rire. Ce boulot est fascinant pour ça, j'ai redécouvert ce que la compassion voulait dire. Je ressens la souffrance de la personne, animée par une intention d'amour inconditionnel.

J'ai développé grâce à ces personnes mon empathie déjà présente, je sais désormais m'en protéger car pendant un temps, ça m'a rendu vulnérable...

J'ai une pensée d'amour pour mon arrière grand père qui m'a initié à ce métier, il savait pourquoi. 





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